dimanche 1 janvier 2012

Nous sommes tous des enfants blessés

Voici une réflexion personnelle que je souhaite partager à l'occasion de l'entrée dans l'année 2012.

Il y a deux ans, j'ai lu « Quand la conscience s'éveille » de Anthony de Mello. Ce livre simple et puissant m'a beaucoup fait avancer intérieurement.
Si je devais ne garder qu'une seule phrase de cet ouvrage, ce serait celle-ci :
« Il n'y a pas un seul mal en ce monde qui ne puisse être assimilé à la peur. Pas un seul. »

La haine et la violence sont le résultat de la peur. On dit aussi : « la violence, c'est de la faiblesse camouflée en force ». Une personne qui vous agresse est en fait une personne qui a peur.
La question qui m'intéresse, est celle-ci : Quelle attitude avoir devant la violence et la haine ? Quelle attitude est la plus à même de faire évoluer le mal vers le bien ?

Prenons l'exemple du racisme. En France, surtout maintenant en 2012 avec les élections présidentielles, on s'inquiète beaucoup du succès du Front National.
Quelle est l'attitude de la plupart d'entre nous face à la xénophobie véhiculée par ce parti politique ? Nos réactions les plus courantes sont : le rejet, la fermeture au dialogue, la censure, l'insulte, et parfois même la haine. La haine de la haine...
Mais que veut-on au fond ? Voulons-nous que la xénophobie disparaisse ? Voulons-nous que les racistes cessent d'être racistes ? Voulons-nous les convaincre qu'ils ont tort ?
Si nous voulons que les racistes changent en bien, alors les détester ou les rejeter en bloc est bien la dernière chose à faire !
Avez-vous vu déjà quelqu'un évoluer en bien parce qu'on l'a détesté ?
Avez-vous déjà eu envie de rejoindre l'opinion de quelqu'un qui vous déteste et vous rejette ?

Si nous voulons voir disparaître la haine, ne la haïssons pas, mais comprenons-là.
Comprendre la haine ou la violence ne veut pas dire l'accepter, cela veut dire voir son origine et reconnaître la faiblesse profonde chez la personne haineuse ou violente.
Qu'a vécu cette personne pour en arriver là ? C'est cela qui compte profondément. Si on ne s'intéresse pas à la racine, on ne change rien du tout.

Quand j'écoute Marine Le Pen, je m'applique à visualiser le chemin qu'elle a vécu pour en arriver à cette vision naïve et limitée du monde. Au lieu de l'insulter devant ma radio, au lieu de la détester, je me rappelle qu'elle est comme tout le monde un être humain et que son rapport au monde d'aujourd'hui est le résultat de ce qu'elle a vécu avant.
Et c'est notre lot à tous.
Nous sommes tous des enfants blessés.
Avoir manqué de contact physique chaleureux ou manqué d'amour, avoir été abusé, avoir été rabaissé et insulté toute son enfance, avoir grandit dans le stress et l'autorité, avoir perdu un parent, avoir été agressé, ou avoir été éduqué dans la méfiance et la peur de l'autre... Tant de possibles marques profondes chez l'enfant qui définiront ce qu'il sera une fois adulte.

Je reprend l'exemple d'une personne raciste : de quoi cette personne a t-elle profondément peur ?
A t-elle peur de l'inconnu et des étrangers parce qu'on lui a appris à s'en méfier ?
A t-elle peur du changement car elle a été traumatisée par certains changements dans son enfance ?
A t-elle peur d'être envahie et de disparaître parce qu'enfant elle n'avait pas d'espace pour s'épanouir ou n'a pas pu exprimer son identité à cause des autres ?
Si de telles blessures ne sont pas comprises et apaisées, la personne entretient un schéma émotionnel qui la pousse à un comportement de fermeture, et éventuellement à la xénophobie.
Là je parle du racisme, mais l'on peut faire une analyse équivalente sur le mensonge, la manipulation, la malhonnêteté, la domination par la violence physique et psychologique, etc. Tout ceci n'est finalement qu'un système de défense d'un ego qui a peur.

Même le pire des salauds sur cette planète est au fond de lui un enfant blessé, un enfant qui a peur de mourir, peur de ne pas être aimé ou peur de perdre quelque chose.
On peut choisir de le détester et de l'insulter pour le mal qu'il fait, mais ça n'améliorera pas la situation.
Ou on peut reconnaître l'enfant blessé en lui et prendre conscience qu'il pourra changer plus facilement s'il se sent compris et accueilli malgré ses actes (pour lesquels bien sûr justice doit être faite).

Tout est dans notre attitude, dans notre façon d'être.
Faites l'expérience avec les personnes que vous détestez : que ce soit Sarkozy, Jean-Marie Le Pen, Khadafi, Bachar El Assad, un voisin ou bien un membre de votre famille qui vous pose problème... Changez votre rejet par la compréhension de ses peurs d'enfant blessé.
Vous aurez peut-être l'impression que ça ne change rien du tout, mais en fait ça change tout.
Si je choisis de comprendre les peurs de Nicolas Sarkozy, par exemple, ça ne m'empêche pas pour autant de ne pas être d'accord avec lui ! Je deviens simplement conscient des racines de son comportement, et ne dépense plus d'énergie à le détester car je comprends que ça ne sert à rien. Cette prise de conscience amène le calme mental et émotionnel.
À partir de là, on peut avancer de façon constructive.

Quand nous serons des millions à reconnaître l'enfant blessé qui se cache derrière la violence et la haine, la paix mondiale sera à portée de main.


A lire également sur ce sujet :
-Citations d'Anthony de Mello
-La communication consciente, par Marshall Rosenberg

9 commentaires:

Loup Espiègle a dit…

À mon avis Marine Lepen a eu droit à un sacré lavage de cerveau familial. Ceci dit, tout son programme électoral n'est pas à mettre aux oubliettes, mais ça ne justifie pas un vote pour elle, loin de là !

Tiens, à propos de vote, jette un coup d'oeil ici : Le Message. ;-)

@+

Elie Dumas a dit…

Démarche très belle et puissante, j'aime cette vision humaine. Ca me fait penser à la nouvelle "Pauvre petit garçon !" par Dino Buzzati (http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_K)
Remarque : pour comprendre la haine de MLP, tu sembles supposer qu'elle a forcément manqué d'amour ; n'y a t il jms eu qqn qui est devenu haineux alors qu'il avait tout pour lui au début ?
Et tu conclues sur une partie importante, mais pas gagnée d'avance : une fois qu'on atteint cette attitude calme devant la haine, quelle est cette "façon constructive" pour "faire évoluer ce mal vers le bien" ? c'est ta 2eme problématique posée au début, écriras-tu une suite ?

Ludo a dit…

Merci à tous les 2 !
C'est vrai qu'à la fin de mon texte on peut se demander : Qu'est-ce qu'on fait après avoir eu cette attitude compréhensive ?.. Ca mériterait éventuellement un texte suivant, en effet. Ceci dit, je pense que déjà simplement changer l'attitude amorcera un grand changement en chacun, et le reste viendra presque tout seul ! Le reste, c'est la Communication Non Violente, c'est à dire écouter, respecter, et se faire respecter, sans à priori. C'est aussi pour ça que je fini le texte avec le lien vers 2 autres articles (dont celui sur la CNV) !

betespatiotemporelle a dit…

Ouh, on voit que tu as l'idéologie unitaire ! ;-)

Au passage, je me dois de dire que cette article est excellent.

Ça fait plus d'un an que j'essaye de comprendre Sarkozy, mais je dois avouer que les normes des jeux-vidéo et des romans, avec leurs boss finaux et LE méchant à battre, continuent à me tirer vers la violence... :-(

Tu es pacifiste, Ludovic. Et je me pose une question : es-tu non-violent au point de préférer te faire tuer par un agresseur que de te battre contre lui ? Ou acceptes-tu la violence dans l'unique cas de la défense ?

Je devrais retourner sur ton site pour voir ta réponse.

Ludo a dit…

@ Eboueur : Oui, je suis pacifiste, et fier de l'être! ;) En cas d'agression, c'est du cas par cas. Il faut protéger notre intégrité et notre corps, et ne pas se laisser battre si ça nous arrive. Il peut donc arriver qu'on soit violent un instant. Ce qui est important selon moi, c'est d'avoir une attitude de compréhension d'entrée de jeu. Il y a des agressions qu'on peut empêcher de dégénérer grâce à la façon dont on y réagit verbalement. Il y a des exemples impressionnants de cela dans les livres de Marshall Rosenberg. Bien sûr c'est plus facile à dire qu'à faire mais ça vaut la peine d'essayer!
Là nous parlons d'une situation où on est victime de violence directe. Mon article est surtout axé sur notre attitude quotidienne, sur la qualité de nos pensées, y compris quand on est peinard chez soi à regarder les infos. Notre rapport au monde a lieu aussi dans ces moments là, via nos pensées.

Flo a dit…

Beau p'tit texte de tolérance !

Mais ne me dis pas que chez toi tu regardes les infos ça fait tâche :P

Et meilleurs voeux pour 2012 ! Que la gauche caviarde l'emporte je sais que ça te satisferai ;)

Loup Espiègle a dit…

J'ai peur qu'un accident nucléaire arrive en France. Est-ce une peur raisonnée ? En tout cas cela m'amène à haïr cette technologie.

Comme on disait dans le temps pour se rassurer : Dieu protège la France...

:-) LOL !

Ludo a dit…

@Loup Espiègle : :) Ce que tu veux au fond c'est que le nucléaire ne soit plus utilisé en France et ailleurs.
Alors le haïr ne changera rien. Par contre si tu acceptes le fait que le nucléaire existe et qu'il a eu des raisons d'être choisi autrefois comme énergie en France, tu peux continuer en défendant le fait que maintenant ça suffit, pour telle ou telle raison bien argumentée. La haine est inutile dans ce but.
Lao Tseu a tout dit dans cette phrase :
"Mieux vaut allumer une bougie que maudire les ténèbres."

Anonyme a dit…

@Ludo :
Je ne trouve pas que Marine LEPEN dégage de la haine (je ne parle pas de son programme, je parle de ce que je resent d'elle dans les médias). Elle a eu une enfance dorée sur le plan matériel. Oui, elle est froide et manipulatrice par contre. Dernièrement, je l'ai entendu reprendre une tournure de phrase de Victor Hugo sans citer l'auteur d'origine évidemment (http://www.gringoire.com/victor-hugo-je-serai-celui-la-2/). Son "vivier" électoral n'a pas souvent le temps de lire, elle en profite donc pour s'attribuer le travail des autres sans que çà ne porte conséquence sur son fief. Par contre son père dégage effectivement de la haine. Avoir vécu la guerre d'Algérie, y avoir laissé un oeil, a probablement du braquer ses positions à l'extrème. Pour aller dans le sens de Ludo, son histoire peut probablement éclairer sur son présent...

Mais parler de la haine des autres est délicat. Concernant notre haine à nous. Sommes nous vraiment nombreux à ressentir de la haine au quotidien ? Peut-étre que parler simplement de colère serait plus concret pour la plupard d'entre nous. Concernant la colère, c'est une énergie qu'il ne faut pas nécessairement étouffer et refouler. C'est une énergie d'affirmatinon de soi et de réaction qui aide aussi à se réveiller, à se sentir vivant et en accord avec soi-meme. Identifier l'émotion, essayer de comprendre est effectivement important mais ensuite pourquoi ne pas utiliser cette énergie ? Toute la difficulté est alors d'orienter cette énergie vers du positif, du constructif plutôt que vers la vengeance et la confrontation violente.

Bref, je continuerai d'étre en colère contre Lepen meme si j'essayerai d'utiliser cette colère pour construire du positif autour de moi plutôt que de comploter un assassinat.

@eboueur : une petite citation de Ghandi (parait-il) :
"S'il fallait absolument choisir entre la violence et la lacheté, je conseillerais la violence (...) mais je crois que la non-violence est infiniment supérieure à la violence"


@Flo : "Gauche caviar" ou "gauche caviar pour tous" ?

@Loup_espiègle : Dans ton premier commentaire, tu dis que tout n'est pas à mettre aux oubliettes dans le programme electoral de Marine Lepen. Pourrais-tu illustrer tes propos ?

@Elie : Une autre lecture pleine de zenitude http://www.capacadie.com/2009/1/25/inspirez-vous-de-bouddha